Lucas Moro, une envie de se faire couper ?

Éclat argenté qui se déloge de son habitat, étincelle qui ne manque pas de sortir pour se dégainer de son fourreau, de faire profiter son étincellement nouveau à la barbe de ses jeunes adultes. Bras tendu. Position de la garde parfaite. Le poignet verrouillé sur une position propre au maniement. Le regard plongé dans celle de la proie.

Insanity....

L'arme en main laisse danser la lumière sur son fer. Un dos qui devient stoïque. Une concentration inébranlable.

Psychopathy....

Une goutte de sueur qui coule lentement, comme si le temps c'est arrêté. Une glotte qui bouge, il déglutit, l'être ne sait plus où se mettre, il est choqué devant tant d'assurance. Il est ébranlé par ce qu'il se passe sous ses yeux. Il ne comprend pas. Cela existe, oui, tout existe, les créatures qui sortent du moule, qui ne sont pas conforment aux plans de Dieu. Elles existent et elles se montrent devant toi. Devant ton regard effrayé. Soit apeuré. Soit au bord de l’asphyxie. Observe et tais-toi, regarde et prend garde à cette lame aussi effilée que le file d'un rasoir. Hey ! Prend garde, devant toi se trouve un bretteur. Grand, fin, avec une barbe taillée en pointe, tu peux toi-même l'observer, graver dans ta mémoire, ce regard bleu qui te paraît à ce moment précis aussi cruel que l'océan. Cette balafre le long de sa joue, cette peau tannée par le soleil, ces rides, ces chevelure courtes et avec une mèche blanche ; voilà bien le stéréotype même de l'Espagnol de l'ancienne dynastie. Et c'est mon père. Donc scrute-le et ne perd pas une miette de ce moment unique pour toi.

Un mouvement, une rotation et il te désarme de ton éternel sourire arrogant, il vient de planter sous ton menton la lame de son arme. Tu veux pisser dans ton froc ? Fais-le. De mon regard cyan, je ne t'en empêcherais pas, et mon père non plus. Ta fierté te soufflera peut-être de ne pas lâcher ta vessie, mais la peur te susurre de le faire.... Que fais-tu alors ? Tu trembles, tu recules, tu cognes contre un de tes gars, il te pousse, tu tombes. Cette épée, ce Cimeterre ne te donne pas envie de mourir, tu te retiens de lâcher un piaillement de fillette.

« Vas-y Momo' ! C'pas un truc en plastique qui va te faire peur !!! »

Oooh si tu savais mon gros. Ton Mohamed a peur, il flippe car devant lui ce n'est pas un tour de magicien, mais bel et bien une véritable arme. Lame large en bout et manche solide, rien ne pourra empêcher cette épée de te saigner comme un mouton à l'agonie. Un mouvement brusque, une lame qui s'approche et un hurlement.

Pour la première fois depuis que je suis né, j'ai vu une scène honteuse pour l'Humanité. Même une créature faite dans le moule du Sacré Père peut tout lâcher et pleurer sans fierté. Mon regard topaze était inquisiteur, et déjà à cet âge-là, j'aurais accepté volontiers de mourir sous la lame e mon adversaire. C'est l'éducation qu'on inculque aux enfants de la famille Moro. Cette scène a gravé en moi l'esprit guerrier que je dois obtenir pour accomplir mon héritage. Six ans et j'ai vu, la peur de mes propres yeux, j'ai vu cet Espagnol pleurer et faire honte à l'Ethnie que nous représentons.

On dit que la « Magie » des Moro se transmet de père en fils, on dit que celui-ci revient de droit à l'enfant quand le père meurt, mais encore-là, les rumeurs sont fausses. Je savais déjà faire apparaître des armes.... Du moins bébé, je faisais apparaître mon hochet pour frapper mon père qui ne me faisait pas rire avec ses grimaces. Un coup sur le nez et les yeux de ce père aimant pétillèrent d'une fierté incommensurable. Oui je suis le digne fils de son père. Par la suite, j'ai appris à faire apparaître chaque arme de la maison. Je me devais de garder le secret, mais à six ans, on dévoile pour impressionner.

Je me souviens avoir vu tes yeux d'ébènes.... Par ta faute, tout mon petit monde n'a tourné qu'autour de toi. Tu m'as piégé, encore maintenant je sens cette tristesse m'arracher le coeur.... Si tu savais comment je regrette que tout se soit terminé. Je ne veux pas ressasser le passé, mais je n'ai pas le choix. On habitait sous le même toit. Toi, tu vivais à l'étage au-dessus, petite fille pourrie gâtée, mais que j'aimais faire rire et côtoyer. Un jour, à la pelouse verdoyante du jardin, je t'ai montré ce que je savais faire, j'ai fait apparaître cette arme dans mes mains dans un déchirement strident. Tu as observé, mais ton esprit était corrompu par celui de ta mère qui était avocate et qui aimait faire du chantage, tu as vécu là-dedans, et maintenant j'étais un jouet pour toi, un nouvel aire de jeu. Tu as apposé les règles. Nos regards se sont souvent accrochés et souvent je perdais.... J'étais galant et je croyais réellement à tes paroles. Tu pouvais me détruire. J'étais ton chevalier-servant. Tu le sais toi-même, c'est toi qui m'a façonné avec les rudiments que mon père m'instaurait. Oui, je n'étais qu'un jouet entre tes mains, mais j'avais quelque chose sur le coeur qui méritait de me détruire pour toi. Je me rappelle très bien ta chevelure brune, tes yeux d'ébène, ton sourire. Aaah, Chica, si seulement le jeu pouvait perdurer, je t'aurais arracher la tête pour la garder éternellement à mes côtés. Mais. Le jeu terminera un jour, il devra donc laisser place à un nouveau vide et c'est là que je me rendrais compte de tout ça. Pendant mon enfance, j'ai joué au serviteur, j'ai fait le moindre de tes caprices, sans que tu ne te rendes compte de ce que j'éprouvais comme sentiment. Pour toi, il était simple de penser que c'était de la pure haine, mais c'était tout ça à la fois, tellement de sentiments, que je ne sais plus quoi penser.

Ce grain de sable passé, il faut que je vous raconte le tout, il faut que j'extériorise le tout, mais, je ne me rappelle plus très bien. Ce regard bleu, ce sourire, et surtout cette voix rauque, cette main bourrue qui me frotte le crâne, c'est ce que j'appelais un véritable esprit de famille....

Coup d'estoc, pas qui part vers l'arrière, le regard perdu. Un autre coup, mais ascendant, un morceau de vêtement qui s'arrache, perles écarlates qui pleurent silencieusement. Une voix grave qui hurle et de l'autre côté un faible gémissement. D'autres coups, encore et encore. Une chute de la terrasse pour atterrir sur le perron, une quinte de toux. Un coup d'oeil sur l'être, une peur qui traverse mon regard. C'est moi qui me retrouve dans ce pétrin, et en face.... Cristobal Moro, un homme de fois et mon père. Cimeterre en main, il me menaçait, mois l'enfant âgé de huit ans maintenant. Il me montrait la dure réalité du monde, il était le seul parent que je connaissais, il était mon père. Ma mère dans tout ça ? Je ne la vois qu'en photo : une belle brune typique d'Espagne, elle est morte deux ans après ma naissance, mais déjà j'avais été confié à mon père pour suivre le code d'honneur de sa famille. Jamais il ne m'a parlé d'elle, jamais je ne l'ai vu pleurer pour elle, mais maintenant je le vois comme un homme droit et qui possède de larges épaules pour soutenir son chagrin. Je me redressais, reprenant l'entraînement. Je n'étais pas aussi bon que mon père, je le reconnaissais, mais j'étais endurant, je savais survivre malgré ma faiblesse.... Chica, Chica, tu m'as vu un bon nombre de fois m'entraîner et tu n'as fait qu'observer, assise sur un muret, un sourire aux lèvres, tu as continué à regarder chaque mouvements, mais rien ne semblait satisfaire ta curiosité.

Free.

Douze ans. L'âge d'Or. Je pliais mon genou pour foncer, je tournais sur moi-même pour atteindre ma cible, mon regard était perçant et je n'atteignais ma proie qu'après avoir changé de rotation. Rapidement, je pointais ma lame sur la gorge de cet homme ; mon père. La vie continua et mon père avait changé depuis, il me considérait véritablement comme son fils, il était fier et j'avais en moi le code d'honneur des Maures. Le collège se passait plutôt bien, ceux qui me connaissaient, ne prenait pas la peine e m'approcher, non pas parce que j'étais un être sorti du moule, mais à cause de la Chica, son regard était toujours aussi fourbe et à l'affût de la moindre miette de ragot qu'elle pourrait exploiter. On avait grandit, je voyais déjà ses formes apparaître, je ne faisais que la protéger des balourds, rien d'autre, notre jeu continuait et je perdais encore et encore. Le poids de la loyauté en était écrasante, mais c'était un bon entraînement. Je me connais, je sais ce que je suis. C'est elle qui m'a fait voir les musées, elle qui m'a obligé à retenir bon nombre de pièce dans chaque détail, c'était malsain, c'était horrible, mais j'avais obéit. J'ai fait ça pour elle, et je ne le regrette pas. Au fond, peut-être qu'elle avait pitié de nous ? De ma famille ? Le regard dédaigneux de sa mère disait que non, mais au fond qui sait ?

Run.

Seize ans, j'ai atteint un âge où je deviens plus délinquant, plus sauvage. C'est aussi l'année où je suis allé en voyage scolaire avec la classe. L'Angleterre, belle nation de flotte. Nous visitions les rues de cette ville. Chica le savait, je n'étais pas à l'aise, mais elle s'en amusait....

Les choses arrivent comme si le Destin nous en veut.

Agression. Adolescents de dix-huit ans. Tentative. Mon esprit se via de tout principe, j'ai refusé, j'ai renié l'accord de mon sang. Un talon qui s'abat sur le sol, une boucle d'oreille en forme de croix qui émet un tintement, un dos qui se fait droit. Un autre claquement de pied. Un regard bleu des plus glacial. Un crissement venimeux qui me déchire l'intérieur du crâne. Un souffle glacial et le pavé de la rue qui se strie de marques blanches, marques faites par on ne sait quoi. Mon bras d'arme qui se lève et l'arme qui se retrouvait quelques instant plutôt dans le musée entre mes doigts, dirigées vers eux. Une pression du pied et je cours vers lui, laisse le file de la lame taillader sa joue, le bout du pommeau lui arracher une souffrance dans le ventre, mais surtout un regard qui cherche la Vendetta....

Après tout. Tout n'avait été que liberté dans mes mouvements. Je connais les enjeux de ce que j'ai osé faire.

Deux ont passé, je suis devenu plus arrogant, j'ai mis un terme au jeu, elle n'est plus rien. J'ai laissé tombé tout ce que j'avais dans cette ville d'Espagne. J'ai voulu changé d'air, j'ai voulu partir. Le seul cadeau que l'on me fit était un billet d'avion. Pendant plus de deux ans, j'ai travaillé en Amérique, j'ai gardé sur moi cet étui à guitare qui renferme seulement quelque chose qui me permettrait de me défendre. Comment j'en suis arrivé à être dans ce pensionnat ? Je ne sais pas moi-même, une brochure ? Je ne sais pas, mais une chose est sûre, mes années en Espagne m'a laissé des séquelles et je souhaite les oublier, alors pourquoi pas. J'ai utilisé le reste de l'argent qu'il me restait pour faire mon inscription. C'est sûrement le dernier endroit où on viendrait me chercher, du moins je l'espère.