Différence de taille. [PV Célia Somey]

Je poussais un gros chariot le long des couloirs. La clope au bec, j'avançais sans me préoccuper des autres passants, qui se collait précipitamment contre les murs. Je pouvais les comprendre. Le chariot était tellement volumineux et lourd qu'il aurait fait des dégâts. De plus j'avais une tête à faire peur. On m'avait réveillé de force bien trop tôt à cause d'une livraison importante de livres. Certes, c'était moi qui les avais commandé, pour remplacer les livres abimés et perdus et pour apporter de nouvelles lectures... Mais s'occuper seul de l'équivalent de 25 cartons remplis de livres alors que le soleil vient juste de se lever... Non. Et là, j'en étais au dernier voyage et, les muscles contractés, je regardais droit devant moi avec un regard de tueur, fumant clope sur clope et laissant les mégots sur le sol sans prendre la peine de les jeter dehors. Alors certes, on s'écartait pour ne pas se faire écraser, mais également pour ne pas croiser mon regard. A la bonheur ! Au moins on ne me compliquait pas encore plus la tâche que ce ne l'était déjà. J'inspirai un grand coup sur ma sucette à cancer tout en poussant plus fort sur le chariot pour aller plus vite. L'effort combiné à la cigarette eu pour effet de me faire tousser comme perdu. Je stoppai en plein milieu du couloir, à deux intersections de la bibliothèque, plié en deux après avoir craché ma clope par terre.

- Bordel de merde...

J'étais appuyé sur la poignet du chariot, les yeux fixé sur la cigarette qui finissait de se consumer sur le sol. Je toussai encore pendant de longues secondes, mes abdos se contractant à chaque spasme, le visage crispé. Puis ma respiration se calma et j'inspirai de grandes goulées d'air pur. J'avais beau fumer comme un pompier, je savais que c'était très nocif. Et là, je le ressentais pleinement. Malgré tout, je savais qu'au fond je n'arrêterais pas. Tendant le pied, j'écrasai rageusement le mégot par terre, étalant les cendres sur le sol propre, puis me redressai et tirai une nouvelle cigarette de ma poche arrière de pantalon, têtu. Je n'étais vraiment pas prêt de retenir la leçon, surtout que je pouvais m'en procurer gratuitement sans effort. Je sortis mon zippo et allumai ma clope avant d'empoigner de nouveau le chariot, prêt à faire les quelques pas qui me séparaient de mon antre, mon humeur ayant encore empiré avec cet évènement.

To be continued ...

Je n'avais pas encore fais un pas, à peine remis de ma crise de toux du moment, que quelqu'un heurta mon chariot. Je ne vis pas qui avait eu le malheur et la stupidité de foncer d'un un chariot aussi gros, mais un paquet de feuille s'envola dans les airs, alors qu'une des piles branlantes de livres s'écroulait au sol.

- Génial... , marmonnai-je dans ma barbe.

Mais en tombant, les livres heurtèrent les jambes de celle qui était tombée. Car c'était indéniablement des jambes de femme par terre, même si je les trouvais un peu frêles. Je grimaçai en entendant le craquement qui suivit. Ça devait faire sacrément mal... Je lâchai le chariot et le contournai. Je découvris alors une petite chose rousse allongée par terre, entourée de livres et de feuilles. Je comprenais pourquoi je ne l'avais pas vu. Elle était si petite qu'elle ne devait guère dépasser les piles de livres de beaucoup. Sans me regarder, elle m'adressa la parole, apparemment assez en colère. Je pouvais comprendre.

« - Faites attention ! Vous pourriez regarder où vous aller avec votre chariot. »

Je levai les yeux au ciel. J'étais à l'arrêt donc techniquement ce n'étais pas moi qui l'avait percuté. Et pour qu'elle n'ait pas vu un gros chariot comme ça à l'arrêt, elle devait elle-même ne pas être très attentive.

« - Vous risquer de blesser quelqu’un ! »

Même si directement je n'avais rien fait, j'étais indirectement lié à la blessure qu'elle venait de se faire, et ne pouvais donc rien dire pour ma défense. Mais cette fille avait vraiment une grande gueule pour sa petite taille, compte-tenu du fait qu'elle devait souffrir le martyre et qu'elle trouvait encore la force pour m'embêter avec ses jérémiades. Je soupirai et poussai le chariot contre le mur pour qu'il prenne le moins de place possible, avant de m'accroupir prêt de la victime après avoir écrasé ma clope. Je soulevai les livres qui l'écrasaient, faisant attention à ne pas lui faire plus mal avant de les empiler sur le sol à côté.

- Alors, jeune fille. On fait l’inattentive et on se blesse et après on accuse les autres, hein ? Ce n'est pas une remarque très mature...

Je souris, narquois. Cette gamine n'était pas du tout mon genre, toute chétive qu'elle était. Je ne prenais donc pas de gants avec elle. Je me redressai un peu et commençai à attraper les feuilles volantes au hasard avant de d'en faire un tas et de le poser sur les jambes de la fille.

- Bon... Je crois bien que tu es blessée gamine. Tu peux te relever seule ou je dois te porter jusqu'à l'infirmerie ?

J'espérais bien qu'elle pouvait marcher seule, je n'avais pas envie de reporter ma corvée de livres à plus tard. Mais je pouvais toujours laisser tout ça en plan dans le couloir, de toute façon il fallait pas être une lumière pour comprendre que les livres étaient destinés à la bibliothèque. Mais ça risquait de me retomber dessus si il y avait un problème. Je réfléchis quelques instants en me grattant la tête.

- Si tu ne peux pas marcher, on fera un détour par la bibliothèque avant, que je puisse finir ce que je faisais, donc tu devras voyager entre tes vilains agresseurs dans le chariot.

Je laissai un rire bref sortir d'entre mes lèvres, amusé par l'image qui traversait mon esprit : moi me trimbalant dans les couloirs, une petite rousse dans mon chariot.

To be continued ...

La petite demoiselle commença à s'énerver, me foudroyant du regard.

« -Je ne vous permet pas de me traiter de gamine ! »

Une gamine est une gamine ! Elle avait vraiment un caractère de chien pour un si petit corps. Tout à coup, de ses petites mains frêles, elle m'attrapa par le col avant de me rapprocher d'elle. Surpris, je ne résistai pas, même si je n'aurais eu aucun mal à faire comme si elle n'avait rien fait.

« -Si vous... »

Elle s'arrêta net dans son élan. A faire la maligne et à essayer de me faire peur, elle venait de s'appuyer sur sa cheville endommagée. Pâle, elle se remit dans sa position initiale, souffrant apparemment beaucoup en silence. A mon humble avis, crier un bon coup faisait toujours plus de bien. Essayant de faire passer la douleur, elle souffla un bon coup puis continua sa tirade sur un ton plus... Officiel.

« - Étant donner le craquement que j'ai entendu il y a de forte chance que quelque chose se soit cassé, comme c'est sans doute pas un livre ce doit être ma cheville. »

Cette petite parlait maintenant comme une adulte. Je souris. C'était mignon. Cette gamine aurait été un peu plus grande et plus... fournis, elle aurait pu être très intéressante... Mais je ne voulais pas passer pour un pédophile. Déposant les feuilles par terre, elle replia soigneusement sa jambe intacte, avant de me demander :

« - Je ne tient pas spécialement à bouger ma cheville sans savoir de quoi il en retourne. Vous pourriez retirer ma chaussure que je puisse évaluer les dégâts? »

Je soupirai. Quitte à faire quelque chose d'utile. Je m'agenouillai en face d'elle.

- Je peux le faire oui. Serre les dents. Je vais faire le plus doucement possible mais si t'as mal, cris un bon coup. ça fait du bien.

Je soulevai délicatement sa jambe et la posai sur les miennes repliées. Puis je défis sa chaussure et commençai à tirer légèrement, au fur et à mesure pour éviter le plus possible de faire mal à la jeune fille. Puis je regardai les dégâts. Je sifflai, presque admiratif devant ce total manque de chance.

- Et bien ! Tu t'es pas loupée sur ce coup-là, gamine. C'est tout violet !

Je posai sa chaussure sur mon chariot. Elle n'allait jamais pouvoir la remettre dans ces conditions. Puis je me déplaçai, de manière à pouvoir la prendre dans mes bras. Je les lui tendis.

- Alors princesse. Prête à prendre ton carrosse ?

Je souris légèrement, amusé.

To be continued ...

« - Pas vraiment mais étant donné qu’il s’est déjà transformé en citrouille j’imagine qu’il ne peut pas causer de dégât supplémentaire alors allons-y. »

Je ris, amusé par sa réplique. Elle avait l'air plus âgée quand elle parlait. Je glissai mes bras sous son petit corps, un dans son dos et un sous ses jambes, puis basculai mon poids en arrière pour me relever. Elle était très légère, comme l'indiquait sa taille. Je regardai le chariot aux 3/4 remplis de livres, le reste étalé par terre. ça risquait d'être trop bancale pour que je puisse la mettre dessus le temps d'aller à la bibliothèque les ranger. Je soupirai. Je ne voulais pas remettre à plus tard cette corvée, mais je n'allais pas trainer la fille par la tignasse tout le long du couloir, et je la voyais mal, avec son fichu caractère, s'agripper à mon dos docilement. Je lui jetai un coup d'oeil.

- Bon... Il faut que j'aille ranger ces livres avant de t'amener à l'infirmerie. ça ne prendra pas trop de temps, mais je vais devoir te porter en même temps. Tu vas pouvoir t'accrocher à mon dos pendant que je m'en occupe ?

Tant pis si elle voulait pas, je la laisserais assise sur le rebord d'une fenêtre et je repasserais la chercher plus tard. Et si quelqu'un d'autre s'occupait d'elle, ce serait parfait. Je poussai les livres au sol de mes pieds, les rapprochant du chariot, puis me penchai, asseyant la petite rousse sur un genou pour, de ma main libre, ramassai les bouquins et les replacer approximativement dans le chariot. Puis je me redressai et la regardai, attendant sa réponse. Je me rendis compte que nous ne nous étions toujours pas présentés.

- Sinon moi c'est Floyd West. Je suis le bibliothécaire. Et toi ?

Je lui laissai faire le choix de son moyen de transport.

To be continued ...

La jeune fille sauta de mes bras et bondit à cloche-pied jusqu'au mur. Je le savais. Si elle avait envie de souffrir, c'était bien son problème. Elle me regarda d'un air orgueilleux.

« - Célia. »

ça l'aurait tué d'être un peu plus sociable ou polie, hein. Enfin je disais ça mais moi d'habitude... Mais là j'avais quand même été relativement correct, jusqu'à me casser le cul pour emmener mademoiselle étourdie à l'infirmerie. Si elle me connaissait mieux, elle croirait que j'avais été touché par la grâce de Dieu.Je ne me serais pas à moitié étouffé avec ma clope et elle n'avait pas été aussi petite et mignonne que je l'aurais laissée sur le plancher en ramassant mes livres et serais reparti en sifflotant. J'aurais peut-être même eu l'audace d'écraser mon mégot sur sa main avec les choses charmantes qu'elle m'avait dit... Mais non. La jeune fille s'assit tant bien que mal puis me regarda. Je la regardai de haut.

« - Plus urgent pour le moment. Vous voyer l’angle que fait mon pied avec la jambe derrière ? Ce n’est pas le bon, l’os est déboité alors il faut le remettre en place. Faites-le s’il-vous-plais. »

Elle avait dit "S'il vous plait". Miracle ! Je restai quelques temps sans bouger, pesant le pour et le contre. Puis je soupirai. Quitte à avoir commencé à l'aider, autant le faire jusqu'au bout. Et ça me défoulerait un petit peu de lui faire mal en lui ré-emboitant un os. Certes, c'était pervers, mais j'allais pas me gêner. Me baissant, je m'agenouillai de nouveau, puis m'emparer de sa jambe sans trop de délicatesse. Je la regardai droit dans les yeux, le regard froid, un petit sourire sur les lèvres.

- Prête ? Je tire à 3, OK ?

J'attrapai son tibia d'une main et posai l'autre sur la plante de son pied. J'inspirai.

- 1... 3 !

Je tirai d'un coup. On entendit l'os craquer bruyamment. Je retins un sourire un peu malsain en entendant ce bruit. Puis j'observai le visage de cette petite Célia.

To be continued ...